mercredi 4 janvier 2012

elle parle à ses fleurs


Elle parle à ses fleurs, entre elles un genre de lien se crée
Elle a enterré ses pleurs dans son jardin secret
Intérieur est son cri, son cœur est plein mais ses os sont creux
Elle craint son reflet, elle teint ses cheveux gris

Elle parle à ses géraniums, elle a ses défauts
Mais son défunt mari vous dirait qu’elle seule sait assagir un homme
Elle parle à ses tulipes, elle tue le temps
Avant qu’le temps n’la tue, ou peut-être afin qu’il passe plus vite
Elle parle à ses pétunias de ses soucis pécuniers
Elle a très peu étudié mais n’se laisse pas piétiner
Elle parle à ses bégonias, leur prodigue des soins réguliers
Elle bougonne, elle a ceci de singulier
Qu’elle parle même au muguet, aux marguerites, aux légumes
De sa mort, d’héritage, du maigre magot qu’elle va léguer
Elle parle au romarin des remords qu’on a trop tard
Elle qui a mûri trop tôt, sa vie est un roman raté
Elle parle aux mimosas, elle parle à ses pensées
Elle parle même aux oiseaux, elle parle souvent au passé
Elle parle aux capucines, les ragots du coin la passionnent
Elle parle aux acacias de son voisin qui la bassine
Elle parle à ses jonquilles de ces gens qui lui manquent
Elle parle même au jasmin de ces médecins qui lui mentent
Et si elle parle aux feuilles de menthe, ce n’est pas qu’elle soit démente
En donnant vie à ses plantes, c’est la sienne qu’elle alimente

Elle parle à ses fleurs, entre elles un genre de lien se crée
Elle a enterré ses pleurs dans son jardin secret
Intérieur est son cri, son cœur est plein mais ses os sont creux
Elle craint son reflet, elle teint ses cheveux gris

Elle cause avec les roses et dialogue avec les dahlias
Sa langue est déliée quand elle arrose un magnolia
Elle confie à ses fuchsias, qu’au fond, elle se fait chier
Mais l’orchidée sait qu’elle abhorre l’idée d’aller au CHU
Elle a si chaud, raide et ridée, elle se sent asséchée
Mais les années n’ont jamais fané son cœur d’artichaut
Elle un peu fleur bleue, elle cultive l’amour
Et l’art d’être grand-mère… Mourir lui fait
Une peur bleue… Alors  elle parle à ses bleuets
Elle interroge les giroflées, Roger l’attend-il là-haut 
Qui taillera la haie et à quoi ressemble le néant 
Se réincarnera-t-elle en oranger ou en goéland 
Elle parle aux narcisses et ce n’est pas nécessairement cohérent
Elle gueule sur le tilleul c’est son tempérament coléreux
Elle ne comprend rien à l’euro, trouve que tout devient onéreux
Qu’importe : elle se sent bien dans son environnement coloré
Souvenir douloureux ou épitaphe édulcoré 
C’n’est qu’un bouquet d’rimes odorantes pour ma grand-mère adorée
Mamie repose en paix, tu mérites une auréole dorée 
Quand vient l’aurore, je murmure pour me le remémorer

Elle parle à ses fleurs, entre elles un genre de lien se crée
Elle a enterré ses pleurs dans son jardin secret
Intérieur est son cri, son cœur est plein mais ses os sont creux
Elle craint son reflet, elle teint ses cheveux gris


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